C'est comme si j'étais montée dans la DeLorean du Dr Emmett BROWN, retour dans le passé, 10 ans avant. Cette période, où je me suis attachée au travail de déconstruction de ma formation initiale d'arts-plastiques pour n'en garder que le processus créatif afin de saisir et comprendre les arcanes de l'art-thérapie à laquelle je me formais à l'époque, et les faire miens.
Il est vrai, les années d'exercice s'écoulant peu à peu, je n'ai plus trop l'occasion de "défendre" ce qu'est l'art-thérapie. J'ai la chance d'être connue pour ma pratique et que ceux qui me sollicitent, aient pu en saisir ou percevoir les effets, et n'y voyez pas là de la prétention, il n'en n'est rien. Je travaille en collaboration avec des médecins, des chirurgiens, des thérapeutes, des psychologues, des institutions qui me sollicitent pour accueillir en art-thérapie leurs patients, élèves, ou pour venir parler de ma pratique, de ma posture en tant qu'art-thérapeute, donc thérapeute.
J'avoue, j'ai utilisé le mot "défendre" quelques lignes plus haut, pour rendre compte du fait, que c'est ma petite part guerrière qui s'est éveillée en moi. Depuis 10 ans , mon métier d'"art-thérapeute", ma pratique "l'art-thérapie" souffre, il me semble, de plus en plus, du flou artistique qui l'entoure. Nous ne sommes en France, toujours pas parvenus à faire encadrer l'exercice de l'art-thérapie, malgré des formations certifiées RNCP, malgré le travail de certains au sein des syndicats ou d'associations. Des formations on line ou pas, de quelques heures, sans stage, ni partie clinique pullulent et délivrent des diplômes de "praticiens en art-thérapie". Le mot "art-thérapie" s'affiche en couverture d'album de coloriage. Toute pratique, animation, atelier usant du médium créatif (danse, théâtre, photo, poésie) se voit qualifiée d'art-thérapie.
Si je reconnais, qu'il y a autant d'art-thérapies qu'il y a d'art-thérapeutes, car ces dernières sont portées, incarnées par des êtres aux influences différentes, voire multiples. Il faut cependant bien s'entendre sur ce qu'est l'art-thérapie et ce qui la différencie d'un atelier d'art et d'une médiation artistique ou atelier d'expression. Ce post n'a pas à vocation à raviver la guerre de clochers qui agite notre profession, mais il me semble important pour moi de refaire l'exercice de ce travail de fond de différenciation, pour amener un peu de lumière dans ce brouillard et de nommer à propos ce qui doit l'être.
De plus, il est hors de question, pour moi, à travers ces lignes de valoriser une pratique plus qu'une autre, un métier plus qu'un autre. Chacun a, à sa disposition, des outils et des méthodes divers et variés pour lequel, il a été formé, il adoptera la posture qui est la sienne afin de répondre à ce pourquoi, il est sollicité. Il s'agit de ne pas tromper celui qui s'adresse à nous et surtout de ne pas, être contre productif ou voire dangereux en voulant se faire passer pour celui que l'on n'est pas.
Celui qui pousse la porte d'un atelier d'art, ou participe à un atelier artistique est probablement en quête d'exploration de techniques créatives et d'acquisition de bases avec le concours d'un artiste ou d'un professeur. Pour cela, ce dernier aura recours, à un cheminement jonché d'étapes et de consignes. L'élève qui excellera ou qui se sentira suffisamment à l'aise avec cette nouvelle compétence, cette nouvelle technique, pourra l'employer afin de proposer sa vision du monde, libre à lui de le présenter ou le partager avec tout autre.
L'atelier d'expression ou médiation artistique est plus souvent proposé en groupe et nait de l'initiative d'une institution ou d'un professionnel dans l'objectif de travailler le lien social ou de bien-être. Il n'y a pas de demande préalable du participant, il s'agit plus d'une demande à faire émerger. Le professionnel qui encadre cette médiation est formé à la dynamique de groupe. Il est alors proposé une élaboration verbale facilitant l'expression singulière se trouvant au cœur du processus de création issu de la production artistique de la séance ou émanant de la rencontre avec un médium artistique (film, carte projective, objet d'art...) proposé en première intention. Cette verbalisation est sans intention analytique.
On s'engage cependant dans une art-thérapie avec une demande précise : un symptôme persistant, une difficulté de vie, une souffrance qui nous empêche d'avancer. Véritable processus thérapeutique dans lequel le médium créatif n'est que pré-texte à se raconter, se (re)découvrir, où la matière/l'amas-tiers se fait support malléable de la pensée à travers un langage symbolique, infraverbal et même parfois, dans l'après-coup, verbal, en un espace sécure, confidentiel et sans jugement. Aucune compétence est requise pour le sujet ou patient et il n'y a aucune attente ou savoir du côté du thérapeute. L'attention est portée sur le mouvement psychique engagé dans le processus créatif, comme dynamique propice à l'émergence du sujet, du je, d'un savoir-être. Ce voyage, cette expérience ne peut se faire sans un art-thérapeute ayant éprouvé lui-même ce processus créatif, formé à l'art-thérapie avec de solides connaissances théoriques et une expérience clinique acquise en stage auprès d'autres professionnels.
Comme je vous disais en préambule, il y a plusieurs courants en art-thérapie, qui s'appuient tous cependant sur ce socle et qui varient selon leur sensibilité et orientation comme l'art-thérapie moderne, l'art-thérapie contemporaine, l'art-thérapie en mouvement ... et je ne pourrais toutes les citer. Chacun trouvera "art-thérapie à sa demande" à condition de s'adresser à quelqu'un de professionnel, comme nous avons l'habitude de le faire dans bien d'autres domaines.
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